Paradis privé

 

- I -

 

Je m'intéresse aux événements de mon siècle tout aussi passionnément qu'à mon horoscope, aux variations météorologiques ou à la conversation du facteur.

 

Plutôt que de tenter de changer le monde, changer de maîtresses me paraît plus opportun.

 

Je laisse les utopies rousseauistes aux amateurs de miracles. Pour l'heure, je préfère jardiner ma vie privée.

 

A la façon dont elle fait castrer tous ses chats, j'évite de miauler devant elle.

 

A propos de sa correspondance, une jeune fille m'écrit : "Non que l'envie m'en manque, mais je ne sais jamais par quel bout commencer". Mais, ma chère, allez droit à l'essentiel ! Par quel bout vous imaginez-vous qu'on commence ?

 

La symbolique du golf est lumineuse : il faut mettre sa petite baballe dans le trou. Quel dommage qu'on ne puisse, auparavant, préluder sur l'herbe !

 

Les enseignants poussent des cris d'orfraie parce qu'on envisage de supprimer la dissertation française dans le Second Cycle, alors même que la majorité des élèves la dédaigne et s'embourbe dans la simple construction d'un paragraphe. Mais les enseignants sont ainsi faits : plus ils fréquentent des chèvres, plus ils rêvent de licornes !

 

Dans la rue, est-ce étrange ? les visages m'ignorent, mais les culs continuent à me parler.

 

Je ne fais plus qu'un repas par jour afin de ménager, au mieux de mon âge, l'excellence de ma glande pinéale, siège de l'imagination et du sens commun selon l'éminent Descartes.

 

Je n'aime pas provoquer. Mais dès lors qu'on m'agresse, quelle joie !

 

J'ai toujours assumé ma mauvaise réputation comme une étole.

 

Il paraît que Mitterrand aurait eu, certains jours, seulement trois rendez-vous galants, preuve que la fonction politiques limite considérablement l'inconduite.

 

Il n'est pas lâche de tirer dans le bas du dos.

 

Les jeunes filles buissonnières m'ont toujours troublé.

 

La laideur m'agresse plus que la fumée.

 

Ces poussahs de la "nouvelle économie" qui parlent d'e-business, de "beat du net", des "créneaux glamour de carrières", de "l'employabilité des candidats", de "reingeniering", mais sur quelle planète vivent-ils ?

 

J'ai accouché de plusieurs oeuvres pour lesquelles l'anesthésie péridurale n'existe pas. Douloureux et jubilatoire. Une autre raison pour mieux comprendre les femmes, le mot très significatif de Miller : "Je suis enceint de mon livre".

 

"Il faut respecter les traditions" explique le pédophile Grec au chasseur dont il vient de violenter le fils.

 

Dès lors que vous épousez une jeune blanche, on ne vous pardonne pas plus d'être vieux que d'être nègre.

 

La plupart des élèves qui vous demandent des conseils sur Internet trouveraient ces derniers dans n'importe quel manuel scolaire. Mais le bavardage virtuel lustre la paresse.

 

Dans un premier temps, je me félicite de l'immense glycine qui décore mon jardin. Puis, je peste contre des centaines d'abeilles et de gros bourdons qui s'abattent sur ses fleurs. Être célèbre pour se faire dévorer ? Merci.

 

Je suis de ceux à qui une femme ne peut dire : "J'ai une très jolie chatte", sans que j'idolâtre immédiatement cet animal.

 

L'inspiration participe du mystère : le moindre conseil, la moindre remarque et, pfft ! la voilà partie.

 

Pour fréquenter journellement des imbéciles, il suffit d'allumer la télévision. Quel festin !

 

La maladie engraisse la médecine.

 

Au vu de certaines réussites, il serait quand même trop injuste qu'il ne faille pas coucher !

 

Comment imaginer qu'un cul plat puisse s'enorgueillir d'une abondante cervelle  ?

 

Seuls les visages me harponnent. Après, je musarde sur le pont inférieur. Quelquefois, j'entends des voix, rarement les paroles.

 

J'ai retenu très jeune la leçon de Nietzsche : faire en sorte que votre culture n'altère pas votre bestialité. Un mammifère supérieur, certes, mais soucieux de ne pas décevoir son code génétique avec des babioles livresques.

 

Curieuse magie des enfants : mon beau-père, qui me snobe depuis bientôt dix ans, manoeuvre pour se rapprocher de sa future petit-fille. Romanesque et pitoyablement humain !

 

Pendant que j'écris, mon chat monte la garde à côté de l'ordinateur. Mais il me tourne le dos, eu égard aux horreurs que je professe, fixant le portrait de ma femme dont le sainteté le rassérène.

 

L'argent, la célébrité, le pouvoir : un seul de ces ingrédients permet l'acquisition des deux autres. Toute l'hystérie du monde pour ce triangle parfait, inscrit dans un cercle, au-delà duquel la vie commence.

 

Il philosophe, déguisé en Buffalo Bill, après avoir chanté toute sa vie de la goualante scoutiste et des âneries d'enfant de choeur !

 

Le commentaire sportif ressortit à l'infantilisation musculaire, avec un zeste de neurones en déshérence, auxquels s'ajoute, chez certains, le colorant démagogique adéquat.

 

Animer, du latin animare, de anima «souffle, âme». Et chaque fois qu'elle s'anime, en ondulant du croupion, c'est son âme que je bois.

 

Deux ou trois fois dans ma vie, je me suis intéressé à l'argent. Mais rien de grave, Docteur ! Une allergie printanière. Le reste du temps, j'étais en excellente santé.

 

Ah, si l'on pouvait se faire greffer de la silicone dans le cerveau !

 

Le passé m'oublie, grande chose !

 

La fuite silencieuse et hautaine préférable aux récriminations. Je suis pour les explications muettes, le non-dit, la sublime carapace de l'orgueil. A la rigueur, une petite gifle, en passant...

 

Si j'avais eu des seins, je n'aurais eu de cesse de provoquer des vocations d'alpiniste.

 

"Quand on veut être reconnu, on se nomme" (Camus, Le malentendu). Je n'ai cessé de me nommer et personne ne m'a reconnu.

 

Les hauteurs ne me fatiguent pas, mais la plaine m'étourdit.

 

Mangez des pommes, mais offrez vos mangues !

 

Il faut être sérieusement naïf pour croire qu'une bonne explication arrange tout. Chaque mot qui me convainc aiguise ma haine. Je ne peux être l'ennemi de mon propre cerveau, ni de mes tripes.

 

Ces romanciers, qui viennent vous expliquer l'intrigue de leur roman en direct, me rappellent invinciblement Ginette dans "La vie, mon bon Monsieur, c'est que des malheurs !"

 

Rétrospectivement, je me persuade que la situation de rentier m'eut convenu. N'avoir jamais travaillé, et bénissant le destin de gagner le paradis sans être marchand de drap, ni professeur d'inepties.

 

En Inde, craignant d'offenser la vue de Clinton, on a caché les mendiants. Certes, mais qu'a-t-on fait des charmeuses de serpents ?

 

Tous les grands pessimistes sont des pourvoyeurs en énergie. Les hardes des idéaux jetées aux orties, on se sent tout de suite plus léger.

 

La secrétaire du lycée : "Oh, Paul, il dégage un tel magnétisme !" Je ne dégage rien du tout. Le genre prunelles charbonneuses, mutisme et connivence des esprits animaux, c'est bon pour les touristes du sexe. Ou les adoratrices de la boussole enchantée ! Mais si l'on s'entête à m'enrichir à mes dépens...

 

Dès lors qu'il existe enfin des cimetières virtuels, j'en connais qui ne voudront plus sommeiller au Panthéon.

 

Appeler "Maître" un peintre, un écrivain, un professeur d'Arts Martiaux, quelle fouterie ! Et pourquoi pas, éperdu d'admiration, cacater dans sa culotte ?

 

Internet.

Surfer et surfait sont synonymes.

 

Pour Cioran, Valéry n'est qu'un "phraseur de génie" et un "faux dieu". Pour les phraseurs de génie, la liste s'abrège. Citons mes idolâtries premières : Saint-Simon, Chateaubriand, Breton, Barthes. Les faux dieux remplissent, eux, tous les manuels scolaires. Inutile d'insister.

 

"Lui égrène au fil de nos paresses des critiques désabusées. Prof et qui passe dans les cortèges de palmes et pour mieux mourir, croit-il, étouffé entre les bandelettes de ses bouquins vengés." (Adeline Baldacchino)

 

Je compense ma suprême intolérance par une gentillesse absolue.

 

Mes cinq belles-mères furent délicieusement stupides ou non avenues. Je leur voue rétrospectivement - qu'elles ne m'aient pas tiré une balle dans la tête - une reconnaissance infinie.

 

Le souvenir de quelques cuisses splendides compense largement celui des grandes oeuvres que je n'ai pas lues.

 

Ordonner le chaos, j'entends que les philosophes s'y amusent. Où trouveraient-ils, sinon, des remparts à leur géniale hystérie. Mais j'aime trop mon désordre intérieur pour m'adonner à la frénésie du rangement.

 

Je vois dans la famille une source inépuisable d'épuisements.

 

Je marche à l'instinct, aux humeurs. Quant à la Raison, toujours à gambader comme un clebs dans mes guiboles, je m'inquiète assez peu de ses aboiements.

 

Chaque jour, le spectacle des journaux alimente ma boulimie de dégoût. Quand on a décrété, une fois pour toutes, l'ignominie génétique de l'être humain, on se sent soutenu par ces performances de l'ignoble et ces exploits de l'horreur.

 

Moralement immature, l'Amérique souffre doublement d'être le nombril flasque du monde et d'éjaculer par juristes interposés.

 

Ma philosophie est ronde, tendrement cellulitique, bien fendue et ouverte sur les miasmes de l'oubli.

 

Un penseur d'occasion. Alors qu'avec le neuf, on ne peut qu'être vendu.

 

Je dors quatre heures par nuit et quatre heures par jour. Ainsi ai-je toujours mené une double vie.

 

Il me téléphone pour me déballer son nombril, sa femme, ses enfants, sa politique, tout le néant sublime d'une agitation dont je me contrefiche au plus haut point. Enfin, soulagé d'avoir vidangé son égout, il raccroche au bout de vingt minutes, en me remerciant d'être en vie.

 

Chaque fois que j'écoute Ravel, je pense à cette jeune femme que je pianotais de la main gauche.

 

Sartre, clamant haut et fort le rapprochement des ouvriers et des intellectuels, Malraux bramant la misère du peuple indien, et tant d'autres, le faciès tordu et la voix bêlante, quelle fascinante guignolade ! La grandeur des sentiments honore certaines âmes, mais Dieu qu'elle n'ennoblit pas les visages !

 

Toutes les robes rouges sont faites pour être encornées.

 

J'espère bien mourir avant que le vote ne soit devenu obligatoire.

 

A l'armée, tous les soirs, je faisais le mur pour aller danser au Casino d'Hyères. Je troquais ma tenue verdâtre contre des habits plus seyants (la réceptionniste me les gardais dans une petite valise) et, jusqu'à minuit, je mettais à profit les vertus de l'indiscipline, le démon de la cadence et l'amour de mes prochaines.

 

$ù$U : en passant sur le clavier de l'ordinateur, ma chatte vient de vous laisser ce petit message. Messieurs les Champollion, à vous de jouer !

 

D'un côté, le désert des illusions : j'ai tué dans l'oeuf le mirage existentiel. De l'autre, sans la moindre illusion, à quoi bon vivre ? Je m'alimente donc en petites chimères quotidiennes, délicieuses bulles de savon qui m'amusent encore comme un enfant.

 

C'est facile d'être un séducteur : il suffit de s'attendrir sur les femmes qui s'ennuient.

 

Chaque fois qu'il pleut, des trombes de souvenirs agréables me reviennent en mémoire. Avec le soleil, c'est la mer et ses impitoyables corvées de plage qui m'étreignent. J'étais né pour me mouiller.

 

Jeune, sans expérience, talentueuse comme on ne l'est plus, que pouvait-elle faire sinon s'envelopper dans une chrysalide de mots ?

 

A travers le mythe de l'espion, on a idéalisé le voyeurisme, l'anonymat et l'obscure trahison. Au nom de l'informatique et du karaté, on a héroïsé une fouine en l'attifant d'une gueule de play-boy.

 

Je ne connais pas l'angoisse de la page vierge et de la jeune fille blanche, dont les adjectifs sont délicieusement interchangeables.

 

L'obsession du harem relève sans aucun doute de la peur des lendemains. S'approvisionner en femmes, comme d'autres en kilos de sucre et en litres d'huile, afin de prévenir un éventuel rationnement.

 

Pendant qu'elle m'explique les tenants et les aboutissants du sondage sur la politique municipale, j'en profite pour lui caresser démocratiquement les seins.

 

Les petites bouches ouvrent d'autres horizons.

 

Je ne me suis jamais fourvoyé dans sagesse, trop conscient qu'une philosophie de l'érection prêterait à rire. Mais sans pour autant mésestimer, à long terme, les vertus de l'andropause qui feront de moi un saint.

 

Tout est perdu, fors le style.

 

Ces écrivains auxquels un mot et/ou une expression restent définitivement attachées : la disponibilité (Gide), la hauteur (Montherlant), la saveur (Barthes), l'homme supérieur (Nietzsche), le spleen (Baudelaire), la langueur (Verlaine), etc... Reste le cul, solitaire et royal, dont la compagnie princière terrifie. Un cul languide, savoureux, supérieur, disponible - et dont personne ne veut ! Étrange, non ?

 

Donner son intellectualité en spectacle, gargariser de la phrase, plastronner sur des cadences : le pauvre Barthes doit s'en retourner dans sa tombe ! La culture, il y a vraiment des moments où je préfère celle des asperges.

 

Il n'y a rien comme le spectacle d'une géante pour vous raviver l'appétit. Toutes les reines devraient mesurer deux mètres, trimbaler des mappemondes de chair fraîche, brouter l'herbe du mépris sur le crâne des misérables humains !

 

J'ai oublié ma culture dans les tiroirs de la vie. Ensuite, j'ai dû perdre la clé...

 

Ces hagiographes, dont les seuls propos intéressants se limitent aux citations de leur idole. Mais pourquoi béer plus haut que soi ? J'admire Montherlant, soit ! Mais c'est Montherlant qui est admirable, nullement ce que j'en écrirais à son propos.

 

Tenter de se faire un nom sur celui des autres, être le pique-assiette d'un génie, c'est toute la sublime tâche du critique. Bénissons quand même Sainte-Beuve de n'avoir pas remis la France à l'infantile épreuve de la dictée !

 

"C'est la littérature qu'on assassine rue de Grenelle". Ah bon ! Que ne m'a-t-on prévenu qu'elle était ressuscitée ?

 

On pardonne au style d'être toujours trop beau pour être vrai.

 

Entre l'homme-liane, le roseau pensant et Monsieur Wall-Street, je préfère encore la femme-potiche.

 

Quelle honte pour un écrivain : n'avoir jamais un stylo sur soi ! Plus jeune, je ne pouvais écrire qu'avec d'énormes stylos noirs, des colifichets à plume d'or, des babioles de luxe qui me confortaient dans mon génie. Quelle pitié !

 

Si les femmes exposent leurs jambes (mini-jupe), c'est bien - à juste titre - qu'elles les considèrent comme un morceau de viande essentiel.

 

"Il tirait trop de vanité de l'avantage qu'il avait d'être méconnu" (Cioran). A rapprocher du mot de Montherlant : "Mon succès repose sur un malentendu".

 

Camus se plaint, faute d'argent, de ne pouvoir contempler le monde avec le dilettantisme d'un Gide. Mais riche, à l'abri du besoin et du travail, était-il évident de sacrifier sa vie à l'écriture et d'aller voir au Congo si le colonialisme enchante les Noirs ?

 

A 33 ans, (photo ci-dessous) je ressuscitais chaque jour dans une femme.

 

 

Notre propre histoire ne nous apprend rien. Aux autre non plus d'ailleurs. On se recommence avec un entêtement d'aliéné. Seul le ramollissement des glandes nous donne l'illusion d'avancer.

 

La sagesse et l'arthrose ne font qu'un.

 

Je n'ai pas le temps de m'intéresser à l'argent.

 

Ma contradiction fondamentale : accepter la tolérance comme le moindre des maux - et rêver d'un despotisme des valeurs qui nivellerait le monde par le haut. Heureusement, c'est toujours la paresse d'avoir raison qui l'emporte !

 

Aujourd'hui, j'exècre les transports en commun. Pour qu'une jeune fille se lève afin de vous céder poliment sa place, merci !

 

Adolescent déjà, ma mère me reprochait mon dilettantisme. Sport, danse, littérature, dessin, sculpture, couture, bricolage, tout m'intéressait un certain temps. Puis, les femmes sont venues - et je me suis concentré sur ma dispersion.

 

Si j'avais été laid, j'aurais davantage (et mieux) écrit. C'est sans doute cette erreur de la nature qui a consommé littérairement mon échec. Du moins m'est-il agréable de le croire...

 

Je vis dans un paradis qui m'aurait tué d'inanition à vingt ans, d'ennui à trente et d'angoisse existentielle à quarante. Passée la soixantaine, ce monastère de verdure et de silence m'agrée. Curieux, quand même, que mon premier roman, publié par Flammarion, se soit appelé "Les seigneurs sont en exil" ? A 27 ans, quelle prétentieuse prémonition !

 

Plus les cuisses des jeunes filles s'éloignent, plus le souvenir de leurs ocelles m'obsède. N'avons-nous pas tous à souffrir de quelques taches de lumière qui ne s'effacent jamais ?

 

Composer avec le secondaire, mais rester impitoyable sur l'essentiel.

 

L'élégance sans la force n'est rien. Il faut être chêne et roseau.

 

Ce qui doit être gênant, sur son lit de mort, c'est de voir les infirmières de travers.

 

"La chair est triste, hélas". Ainsi s'explique la stérilité de Mallarmé. C'est ensuite à l'oeuvre d'art qu'incombera le soin de transformer une anémie en délire.

 

J'ai toujours commencé à regarder les dieux et les femmes par le bas.

 

Je ne remercierai jamais suffisamment internet de m'avoir permis de court-circuiter les éditeurs. L'oeuvre livrée presque gratuitement aux lecteurs, quel pied de nez à tous ces marchands de simili-prose !

 

Il n'est pas dans ma nature de geindre. Soit je hurle (hernie discale), soit je plaisante (moi y en a avoir bobo), soit je peste (putain de dos !). Mais pour le mur des lamentations, je vous conseillerais plutôt Miss Jérusalem.

 

Radio ou télé, l'animateur répète 3000 fois le nom de l'interviewé. Bien faire comprendre au cher public qu'il n'interviewe pas Ginette Lafigue ou Gaston Boudin. Des fois que...

 

Par convention, dans l'enseignement des Lettres, il est entendu que tous les écrivains étudiés regorgent de talent. Et, par voie de conséquence, tous les enseignants sont des louangeurs professionnels. Malheur à celui qui ose écrire que Claudel le gonfle ou que Michel Tournier pense comme un camembert !

 

De tous les défauts des hommes, c'est la pédanterie qui m'indispose le plus. Le moindre bêlement de la voix et je cours me réfugier dans ma caverne ou je tourne le bouton.

 

Il y a des femmes dont seulement le mollet confine au spirituel.

 

Je n'ai jamais cru qu'en la certitude de la chair. Toutes les croyances m'ont laissé indifférent. Les sciences m'amusent, sans plus. La philosophie jargonne trop. Il n'y a que la peau qui m'ait converti au pire : cette vibration de l'âme quand elle rencontre l'irréel et qu'elle efface le temps. Je contemple, je caresse, donc je crois.

 

En art, l'inspiration; en amour, l'expiration. Le cercle de la respiration oxygénante est bouclé.

 

Je n'aurai jamais eu mon La Boétie. Tous mes "amis" furent au delà ou en deçà de moi. Donc, il ne me restait plus que mon miroir.

 

N'avoir jamais connu le vertige de la page blanche : chance inespérée ou lacune grave ? N'étant pas de taille à tirer parti de mon néant, j'ai troqué ma profusion relative contre l'imposture du style.

 

Comment aurais-je pu enseigner pendant tant d'années, me contraindre à jouer le clown, à brasser du vent, subir tant de contraintes inutiles, s'il n'y avait eu 165 jours de farniente annuel et l'irremplaçable compagnie des jeunes filles, ces affriolantes bécasses de l'amour ?

 

Dans Bel Ami, le personnage de Forestier déconseille à Georges Duroy de devenir maître de manège. De la même manière devrait-on déconseiller à quiconque d'être professeur. Maladie honteuse, dont pas même Nietzsche, Fichte ou Hegel sont épargnés !

 

Plus que dans n'importe quel art, la musique masque l'imbécillité de son auteur.

 

Il y avait des jours où je ne pouvais croiser la moindre femme dans la rue sans lui découvrir un triangle de poils noirs entre les deux yeux !

 

A-t-on révélé suffisamment combien l'écriture palliait aux affres de la timidité ordinaire ?

 

La jeunesse s'imagine volontiers que les exercices de l'amour s'estompent avec l'âge. Idéale excuse, pour l'éducateur professionnel, de les détromper - Ronsard ou Hugo à l'appui - sur la vitalité d'un quinquagénaire. Encore que les travaux pratiques, discrètement dirigés, convainquent mieux.

 

Comment peut-on faire parti d'une ligue, d'un groupe, d'une association, d'une secte, voire d'une équipe ? Ce qui me séduisait dans le Judo, c'était de m'y sentir seul, seul avec mon ennemi - que, par décence, j'appelais mon adversaire.

 

Qu'il n'existe pas encore d'éboueuses - et néanmoins femmes, n'est-ce pas là, aussi, une forme d'intelligence ?

 

5 mai 2000. Naissance de Cécile. Le père et l'enfant se portent bien, mais l'accouchement m'a tout de même bien fatigué.

 

Pendant qu'elle accouche, souriante, sous péridurale, dans la pièce d'à côté une jeune maghrébine (qui n'a pas voulu d'anesthésie) hurle ses douleurs. Charmes de la tradition, qui saurait vous plaindre ?

 

Maternité.

Grand concert de niaiseries béates. Toutes les femmes n'ont qu'un seul empressement : tripatouiller le poupon et donner dans l'hystérie de l'éloge. La victoire féminine en bêlant. On voudrait aussi que l'homme bêtifie, mais l'homme sort fumer sa cigarette, histoire de s'oxygéner le cerveau.

 

Famille : les hommes font la guerre et les belles-mères la fomentent.

 

Peut-on parler sérieusement d'autre chose que de soi ?

 

Peut-être les rois habitaient-ils d'immenses demeures pour échapper au harcèlement familial, sorte de course en solitaire dans les corridors et les étages !

 

Tout ce qui est extrême, y compris les sports et les bouderies de ma belle-mère, participent d'une fragilité du cerveau, dont les fontanelles semblent ne pas s'être complètement refermées.

 

A quarante, récemment vacciné contre l'Idéal, j'avais encore des poussées de fièvre. Mais, aujourd'hui, je suis complètement immunisé.

 

L'érotisme pourrait s'entendre comme la revanche de l'esprit sur la niaiserie des glandes.

 

Il est peu de compagnie qui ne me fasse préférer la solitude et l'apaisant bienfait du tabac.

 

Les repas de famille me donnent envie de grimper aux arbres et de jeter, d'en haut, des noix de coco.

 

Plus on me déteste, plus je m'aime.

 

Voulez-vous trouver du plaisir dans l'écriture ? Écrivez des âneries.

 

Ma tante Lucette est l'esclave du tabac : elle le fuit, le dénonce, l'insulte. Rien n'y fait. Plus sa liberté dans l'oxygène s'améliore, plus elle retombe dans l'obsession de Maître Nicot, cet esclavagiste sans pitié, qui la harcèle de son haleine enfumée.

 

Ces sont des inconnus qui vous lisent, des admirateurs lointains. Les proches, vous supporter leur suffit.

 

Un lecteur s'étonne que je ne sois pas encore célèbre. Mais parce que je le vaux bien, mon ami !

 

On est toujours la victime consentante de son oeuvre.

 

Des gens, à qui vous ne demandez rien, vous envoient leurs textes comme s'ils vous offraient des papillotes. On cherche vainement le pétard.

 

Finir en beauté ? Vite, un flingue !

PARADIS PRIVÉ II (Suite)

 

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